Lors de la séance de questions au Gouvernement du 19 février, j’ai l’interrogé sur sa politique familiale. J’ai été très déçue par la réponse. Pour autant, il me semble que cette politique va contribuer à agrandir le fossé entre ceux qui financent la caisse d’allocations familiales (CAF) par leur travail sans rien percevoir et ceux qui bénéficient des prestations familiales. Ceci ne va pas contribuer à améliorer le contexte social actuel. A l’issue de la séance, le ministre s’est engagé à me recevoir.
Pendant la présidence de François Hollande, plusieurs décisions sont venues éroder le pouvoir d’achat des familles :
- L’abaissement du plafond du quotient familial: pour rééquilibrer les finances de la branche famille de la Sécurité sociale, le gouvernement a annoncé le 3 juin 2013 une nouvelle réduction du plafond du quotient familial, de 2 000 à 1 500 euros. Le Parlement a définitivement adopté la mesure, avec l’ensemble du budget 2014, le 19 décembre 2013. Mi-juillet 2014, la rapporteure du budget de l’Assemblée, la député PS Valérie Rabault, a indiqué que « la réduction du plafond a rapporté 554 millions d’euros de recettes en 2013 », soit 13% de plus que les 490 millions prévus. Les services de Bercy avaient initialement estimé que 882 600 contribuables seraient affectés. En réalité, 1,01 million de foyers fiscaux ont été concernés par la mesure – soit 15 % de plus qu’anticipé ;
- La suppression de l’universalité des allocations familiales: la réforme de 2015 touche essentiellement les ménages dont les revenus dépassent environ 5500 euros mensuels. Selon la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf), cette mesure concerne environ 500 000 foyers, soit environ une famille d’allocataires sur 10. Lorsque les ressources du foyer dépassent un certain niveau de ressources, le montant des allocations familiales est divisé par 2, voire par 4 pour les plus hauts revenus ;
- L’abaissement des seuils de ressources pour bénéficier de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et réduction de son montant,
- La diminution de la durée du congé parental.
Pendant la même période, les dépenses contraintes qui pèsent sur les familles (logement, chauffage, alimentation) n’ont pas diminué, bien au contraire. En effet, si le coût des services a diminué ces dernières années, les prix des biens de premières nécessités, l’alimentation (+5% en 4 ans) et l’énergie (+20% en 3 ans), ont connu de fortes progressions diminuant ainsi très fortement le reste à vivre, hors dépenses contraintes, de certaines familles.
Le résultat ne s’est pas fait attendre et il est sans appel : le taux de natalité a chuté de manière drastique, et ce, pour la quatrième année consécutive. Pourtant, selon une étude l’INED de 2014, seuls 5 % des français désirent de ne pas avoir d’enfants.
Les familles sont préoccupées par la garde de l’enfant entre 0 et 3 ans. Elles plébiscitent à 83 % une garde en mode collectif, séduites par la sécurité apportée à l’enfant, le projet pédagogique, et un coût plus faible. Le Président de la République a annoncé récemment, dans son plan de lutte contre la pauvreté, la création de nombreuses places de crèches…. Avec des conditions d’application très restrictives : les municipalités toucheraient une subvention annuelle de 2 000 euros par place de crèche créée à la condition que les revenus des familles accueillies ne dépassent pas 25 000 euros avec un enfant, 30 000 euros avec deux enfants.
Une étude de l’INSEE de mars 2018 révèle que les départements avec le taux global d’accueil des enfants de moins de 3 ans le plus élevé sont ceux dans lesquels la proportion des assistantes maternelles est forte. La carte ci-dessus montre une corrélation forte entre les prix de l’immobilier et faible taux d’accueil global. En effet, dans ces départements où le marché de l’immobilier est tendu, les assistantes maternelles n’ont pas les moyens d’avoir une taille de logement adaptée à leur profession. Or dans ces mêmes territoires, avec 2500 euros par mois pour élever deux enfants et payer un loyer, une famille est loin d’être riche !
La politique du Gouvernement va avoir pour conséquence d’inciter les mairies de créer des crèches réservées uniquement aux familles les plus pauvres (pour pouvoir bénéficier des financements), faisant fi de toute mixité sociale, valeur unanimement défendu jusqu’alors, et laissant sur le côté les familles modestes qui n’ont pas les moyens de payer une place de crèche dans une structure privée.
Par ailleurs, les objectifs fixés dans la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) signée entre la CAF et l’Etat pour la période 2018-2022, sont flous et laissent les élus inquiets sur le financement des actions en faveur de la petite enfance. La prestation de service unique (PSU) n’augmentera pas en 2019 et très peu en 2020 et 2021 (1%) : cette politique va empêcher la création de places en crèches, et pire, elle risque d’en supprimer, le reste à charge pour les communes ne cessant de s’accroître ; alors même que leurs capacités financières sont de plus en plus restreintes. Le rapport d’avril 2018 du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge constatait sur la période 2013-2017 un ralentissement fort de créations de places, période pendant laquelle les dotations de l’Etat aux collectivités ont baissé de 11,5 Md€. En 2019, la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement de 19500 communes diminuera.
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