Le Sénat vote un réel service minimum dans les transports en cas de grève

Cicéron affirmait déjà en 44 avant JC, dans son ouvrage « le traité des devoirs »(De officiis, 1, 33) : summum ius summa iniuria (« l’application excessive du droit conduit à l’injustice »). En droit coutumier français, cela a donné l’adage « le droit cesse là où l’abus commence ». L’abus de droit a été défini par la jurisprudence comme l’usage excessif d’un droit ayant pour conséquence l’atteinte aux droits d’autrui.

Si le droit de grève est un droit à valeur constitutionnel, il ne peut porter atteinte à la liberté d’aller et de venir, ou à la liberté de travailler ou de ne pas travailler, ou encore au grand principe qu’est la continuité du service public.

Je ne peux manquer de rappeler ici les 15 mois de grève en 2018 et 2019 d’une poignée de facteurs dans les Hauts-de-Seine qui a durablement et considérablement perturbé la distribution du courrier à Boulogne-Billancourt et à Neuilly notamment. Les usagers, particuliers comme entreprises, se sont trouvés « pris en otages ».

Les grèves dans les transports publics des mois de décembre 2019 et janvier 2020 ont durement éprouvés les Français et les entreprises, tout particulièrement en Ile-de-France, frappant souvent les plus fragiles d’entre eux ne disposant d’aucun autre moyen de transport ou ne pouvant télé-travailler. Le coût économique et écologique est quant à lui important.

C’est pourquoi, Bruno Retailleau a pris l’initiative de déposer une proposition de loi, que j’ai cosignée, tendant à assurer l’effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève. Elle a été adoptée hier par le Sénat. Lors des débats en séance publique, le Gouvernement a simplement proposé la création d’un groupe de travail.

Lire le texte adopté par le Sénat

Les meilleurs déchets sont ceux que l’on ne produit pas

Lors de la session extraordinaire de septembre, le Sénat a examiné en première lecture le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Ce texte avait été présenté lors du conseil des ministres du 10 juillet 2019 à l’issue d’une phase de concertation de près d’un an et demi. Il comportait 10 mesures phares. J’avoue avoir été étonnée par le nombre d’amendements votés, souvent avec un avis favorable du gouvernement, après une période de préparation aussi longue.

Après le vote favorable du Sénat (342 pour, 1 contre), le texte prévoit :

  • Un taux minimal de 5% des tonnages des déchets ménagers réemployés ou réutilisés d’ici 2030 ;
  • Des mesures pour lutter contre l’ensemble des déchets plastiques, en s’attaquant notamment au suremballage;
  • Une gestion améliorée améliorer des déchets du bâtiment, en facilitant l’accès aux points de collecte des déchets et en améliorant leur traçabilité ;
  • Le renfort des pouvoirs de police du maire pour lutter contre les dépôts sauvages;
  • La mise en place, à compter du 1er janvier 2022, d’un compteur d’usage visible sur les gros appareils électroménagers et les équipements informatiques et de télécommunication dont l’usage en nombre d’heures d’utilisation ou de cycles peut être calculé ;
  • La mise en place d’un indice de durabilité obligatoire à horizon 2024, après une expérimentation du volet réparabilité en 2021 ;
  • L’interdiction de tout procédé technique visant à rendre irréparable ou non-reconditionnable un produit ;
  • Des mesures pour lutter contre le gaspillage alimentaire: forte hausse de l’amende pour destruction volontaire de denrées alimentaires consommables, obligation pour les professionnels vendant sur les marchés ou les halles de proposer les invendus non valorisables à des associations caritatives ;
  • Un engagement des producteurs dans une démarche visant à systématiser le don de leurs invendus de produits non alimentaires neufs à des associations caritatives ;
  • L’obligation pour les éco-organismes de déclarer leur flux de déchets vers l’étranger;
  • L’installation des corbeilles de tri dans l’espace public.

Concernant la consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique dont la ministre avait fait un totem : « Il faut à tout texte de loi son objet transitionnel, son symbole. Pour ce projet, ce sera peut-être la consigne » (audition au Sénat le 10 septembre), le principe en a été rejeté au terme d’un débat animé (7 voix pour l’amendement du gouvernement, 300 contre). Pour le rapporteur du texte, Marta de Cidrac, le projet de consigne « revient à donner une prime à la production de plastique et à sanctuariser dans le même temps la consommation de produits en plastique à usage unique ». En effet, les bouteilles consignées ne sont pas réutilisées après traitement mais sont destinées à être recyclées. Par ailleurs, la collecte des bouteilles en plastique est déjà bien organisée par les collectivités locales qui les revendent ensuite aux recycleurs pour des recettes avoisinant les 12 M€.

Au-delà de ce que dit la loi, nous sommes tous appelés à participer dans notre quotidien à l’économie circulaire et à la lutte contre les déchets. Et ce n’est pas si compliqué :

Si vous en souhaitez en savoir plus sur le circuit de vos déchets et leur valorisation, je vous inviter à découvrir le site du SYCTOM.

La Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD), organisée en France par l’ADEME, aura lieu du 16 au 24 novembre 2019.

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Taxe GAFA : un signal politique avant tout, l’efficacité risquant ne pas être au rendez-vous

Tard dans la nuit, le Sénat a adopté, par 181 voix pour et 4 voix contre (le groupe Les Républicains s’est abstenu) le projet de loi portant création d’une taxe sur les services numériques (TSN ou « taxe GAFA ») et modification de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés.

Si le groupe Les Républicains, dont j’étais le porte-parole lors de la discussion générale, soutient le Gouvernement dans sa volonté de mettre en place une fiscalité mieux adaptée à la réalité de l’économie numérique, il a cependant dénoncé le peu d’efficacité et d’efficience de la taxe proposée. La fiscalité des géants du numérique est un sujet qui relève de l’OCDE, à défaut d’arriver à trouver un accord au niveau de l’Union européenne. Dès que la loi sera promulguée, la France sera le seul pays à taxer effectivement l’économie numérique ; les pays ayant déjà voté une taxe similaire ne l’appliquent pas. Par ailleurs, cette taxe ne règle aucun des problèmes soulevés par le e-commerce.

DG GAFA

« La baisse de la dépense publique est la seule solution de long terme ; l’augmentation de la fiscalité relève d’une simple vision de court terme. »

Les éléments apportés lundi lors du débat organisé par Public Sénat par le président de l’ASIC (Association française des services communautaires Internet) ou une économiste de l’OFCE confirment le scepticisme de la commission des finances du Sénat.

GAFA public sénat

Le groupe Les Républicains s’est à l’inverse vigoureusement opposé à la remise en cause de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés initialement votée dans la loi de finances pour 2018 (article 2 du projet de loi). La raison invoquée par le Gouvernement est strictement budgétaire : combler une part du besoin de financement résultant des mesures de soutien au pouvoir d’achat adoptées en décembre 2018. Ce report rapportera 1,7 Md€ au budget de l’Etat, à comparer aux 11 Md€ de nouvelles dépenses ou moindres recettes annoncées. Les acteurs économiques, quelle que soit leur taille, ont besoin de visibilité pour développer leur activité.

Retour sur ma première expérience de rapporteur d’un projet de loi

Jeudi dernier, j’ai vécu ma première expérience de rapporteur d’un projet de loi. Ce texte, à l’initiative de Claude Nougein et Michel Vaspart, sénateurs LR, membres de la délégation sénatoriale aux entreprises, vise à moderniser la transmission d’entreprise.

photo DG PPL

Issue des travaux de la délégation sénatoriale aux entreprises, cette proposition de loi  (PPL) vise notamment à :

  • encourager les chefs d’entreprise à anticiper la transmission de leur entreprise ;
  • dynamiser le financement de la transmission d’entreprise, en réactivant un dispositif permettant aux contribuables de bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu de 25 % du montant des intérêts des emprunts contractés pour acquérir, dans le cadre d’une opération de reprise, une fraction du capital d’une PME ;
  • simplifier et moderniser le cadre fiscal et économique de la transmission, en assouplissant les modalités d’application du pacte dit « Dutreil » – qui permet des exonérations partielles de droits de mutation à titre gratuit pour la transmission de parts d’entreprises -, en instaurant un taux unique pour les droits d’enregistrement s’appliquant aux cessions des parts sociales et des actions et en assouplissant le régime de l’apport-cession – qui permet à des entrepreneurs de céder les titres d’une société qu’ils contrôlent pour en réinvestir le produit dans des activités économiques ;
  • favoriser les reprises internes, en relevant de 300 000 à 500 000 euros les abattements fiscaux prévus en cas de reprise par un ou plusieurs salariés et en faisant passer de 15 à 5 le nombre minimum de salariés-repreneurs requis pour octroyer un crédit d’impôt.

rapport PPL

En tant que rapporteur de la commission, j’avais à assurer la constitutionnalité du texte. Lors des débats en séance public, j’ai été souvent battue : la rigueur budgétaire et légistique n’a pas résisté à l’enthousiasme des membres de la délégation aux entreprises.  Finalement, ce n’est pas si grave car le texte a peu de chance d’être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. En effet, la ministre a confirmé que les sujets dont nous avons débattus sont à l’agenda de la future loi PACTE. Ces presque quatre heures de débat auront cependant permis au Sénat de faire valoir sa position. Le cabinet de la ministre s’est engagé à me recevoir avec les auteurs du texte pour discuter, à tête reposée et dans une ambiance plus sereine que l’hémicycle, de l’articulation de la PPL avec la loi PACTE.

A suivre !

Projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance

L’ensemble du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance a été soumis mardi 20 mars à un vote solennel. Au regard du caractère un peu fourre-tout du texte, ce dernier a été renommé par le Sénat « projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ». En effet, sont abordés dans cette loi la délivrance du permis de conduire, la traçabilité des financements des lieux de cultes ou encore les énergies renouvelables. Je suis plus particulièrement intervenue sur les articles relatifs à l’énergie et à l’évaluation.

Le projet de loi introduit un droit à l’erreur notamment en matière fiscale avec une réduction des intérêts de retard en cas de régularisation. Il est aussi proposé d’expérimenter au sein de l’administration un référent unique pour chaque usager afin de faciliter les démarches dans le cadre de procédures ou dispositifs particuliers. La commission spéciale a demandé à ce que l’administration soit tenue d’inviter chaque usager à régulariser sa situation si elle s’aperçoit d’une erreur entrant dans le champ du dispositif afin d’éviter que seuls les administrés les mieux informés en soit bénéficiaire. Un amendement a introduit la possibilité pour les contribuables de ne pas perdre le bénéfice de certains avantages fiscaux lorsqu’ils ont seulement, de bonne foi, manqué à une obligation déclarative.

Côté entreprises, l’administration pourra désormais délivrer des certificats d’information sur les normes applicables pour permettre de connaître l’environnement normatif avant de lancer une activité. Sera expérimentée la possibilité pour les entreprises de ne pas communiquer à une administration des informations dont cette dernière serait déjà en possession dans le cadre d’un traitement automatisé. Sur proposition du Sénat, le droit à l’erreur a été étendu aux entreprises de moins de 21 salariés dans le cadre de la mise en oeuvre du prélèvement à la source. En séance publique, a été adopté un amendement qui prévoit que, lorsqu’une nouvelle norme entraîne une charge supplémentaire pour les entreprises, elle ne puisse être édictée que lorsqu’il est prévu simultanément l’abrogation de normes représentant une charge au moins équivalente.

Enfin sera expérimentée, pour une durée de 18 mois dans quatre départements, la simplification des démarches concernant la délivrance des cartes d’identité, passeports, permis de conduire et certificats d’immatriculations des véhicules.

Ce projet de loi part d’une bonne intention : traiter différemment ce qui relève de la fraude manifeste et ce qui est la conséquence d’une étourderie ou d’une méconnaissance de la loi. L’application du texte va nécessiter un temps de formation des agents publics à ces nouvelles façons de remplir leurs missions. Le Gouvernement a annoncé un grand plan de formation. Y a plus qu’à !