Semaine du 2 avril

Fait très rare, mercredi soir le Sénat a adopté conforme une proposition de loi ayant faut l’objet de trois lectures dans chaque chambre. Après un parcours législatif aussi long, le titre (protéger le groupe Electricité de France d’un démembrement) n’a plus de lien direct avec le contenu de la proposition. Rapporteur du texte au Sénat pour la deuxième et la troisième lecture, j’ai rappelé ses deux apports principaux : l’extension des tarifs réglementés de vente à tous les éligibles au sens du droit européen (introduction en première lecture à l’Assemblée nationale, corrigé en première et en deuxième lecture au Sénat pour être conforme au droit européen) et la mise en place d’un contrat décennal entre l’Etat et l’entreprise EDF (apport du Sénat en deuxième lecture).

Le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire du projet de loi visant à sécuriser les risques liés aux usages quotidiens d’internet pour les individus et les entreprises et à harmoniser les règles nationales aux règles européennes dans le cadre du projet de constitution d’un marché unique du numérique européen.

Le texte prévoit des dispositions dans des domaines très divers :

  • la protection en ligne des mineurs, avec la création d’une obligation pour les hébergeurs de retirer dans un délai de 24 heures les contenus pédopornographiques sur injonction de l’autorité administrative ;
  • la protection des citoyens dans l’environnement numérique (mise en place de systèmes de vérification d’âge pour l’accès des mineurs ; « droit à l’oubli » pour permettre aux personnes ayant tourné dans des vidéos pornographiques d’obtenir leur retrait en cas de diffusion sur internet en violation des conditions contractuelles ; délit d’outrage en ligne permettant le prononcé d’une amende forfaitaire délictuelle pour tous ceux qui, aujourd’hui) ;
  • la création d’un filtre national de cybersécurité visant à alerter les internautes lorsqu’un site présente un risque avéré d’arnaque ou d’escroquerie via l’affichage d’un message d’avertissement dans leur navigateur ;
  • le respect de la concurrence dans l’économie de la donnée ;
  • le renforcement de la régulation du numérique. Pour ce dernier point, le projet de loi généraliserait le dispositif de centralisation des données de location de meublés de tourisme devant être transmises aux communes par les opérateurs de plateformes numériques Un acteur tiers pourrait ainsi servir d’intermédiaire entre les opérateurs numériques et les communes, pour recueillir et ventiler ces informations.

Le Sénat a rejeté en seconde lecture le projet de loi visant à adapter le cadre juridique applicable aux dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes. Les  dérives sectaires  ne se limitent pas aux croyances : des groupes ou individus investissent les domaines de la santé, du bien-être, de l’alimentation, du développement personnel, du coaching et de la formation. Dans ce contexte,  ce projet de loi a notamment pour objet de faciliter et de renforcer les poursuites pénales à l’encontre des auteurs de dérives sectaires, de renforcer l’accompagnement des victimes de ces dérives et de protéger des risques et de la dangerosité des dérives sectaires dans le domaine de la santé.

Le projet de loi prévoit ainsi :

  • la création d’un nouveau délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique ;
  • l’introduction d’une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour de nouveaux crimes et délits ;
  • la possibilité pour davantage d’associations de se constituer partie civile en matière de lutte contre les dérives sectaires ;
  • la création d’un nouveau délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé des personnes, alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que cet abandon, cette abstention ou l’adoption de ces pratiques est susceptible d’entraîner pour elles des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique ;
  •  une meilleure information des ordres lors de la condamnation de professionnels de santé.

En première lecture, le Sénat était revenu sur la création de deux nouveaux délits, ces derniers reposant sur des dispositifs juridiquement fragiles :

  • le délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique (article 1er du projet de loi – supprimé) ;
  • le délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé des personnes, alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que cet abandon, cette abstention ou l’adoption de ces pratiques est susceptible d’entraîner pour elles des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique (article 4 – supprimé).

Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture ces deux délits (articles 1er et 4), dans une rédaction remaniée. Le Sénat a estimé que ces nouvelles rédactions n’atteignent pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l’exercice de la liberté d’expression et la liberté de choisir ou refuser un soin, et l’objectif de protection de la santé publique.

Le 4 avril a été publié le travail des rapporteurs Didier Rambaud et Sylvie Vermeillet sur l’intelligence artificielle et les finances publiques, premier volet du travail de la délégation à la prospective du Sénat sur l’intelligence artificielle.

Les rapporteurs soulignent la richesse des données dont disposent Bercy « massives, exhaustives, fiables, homogènes, uniques et gratuites ». Ces données pourraient nourrir l’IA, qui aurait alors un fort potentiel pour offrir un meilleur service aux usagers, et lutter contre les fraudes. Les capacités de l’IA pourrait également permettre d’interconnecter, sécuriser et moderniser toutes les applications sur lesquelles veillent le fisc, les douanes et l’Urssaf. Les expérimentations actuelles menées par les ministères et les organismes relevant des sphères financières et sociales restent modestes. Le rapport invite à une prise de conscience de la richesse de ce potentiel. Lire le rapport.

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