Les travaux législatifs ont bel et bien repris !

Convoqué en session extraordinaire, le Parlement conduit une étude accélérée de plusieurs textes majeurs pour notre pays : projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, projet de loi de finances rectificative pour 2022, projet de loi relatif aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, projet de loi mettant fin à l’état d’urgence sanitaire et maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19, adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.

S’il était temps de se mettre au travail, la précipitation et le manque de concertation ne sont pas des méthodes efficaces ; à l’heure où le gouvernement cherche une majorité, il est bon de lui rappeler que le Sénat aime à décider avec prudence et avec sagesse. Il n’apprécie pas davantage découvrir les textes en cours de discussion à l’Assemblée nationale ou par voie de presse. Mieux vaudrait faire des propositions en amont avant tout dépôt de texte. La majorité d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui. L’écoute et le dialogue semblent être devenus indispensables. Non sans humour, pourrait-on proposer à la société McKinsey de prodiguer au gouvernement une courte formation sur l’art du management, ou sur la science d’un coaching efficace, ou encore sur la conduite du changement.

Le Sénat rejette la loi de règlement pour 2021 qu’il n’a pas eu le temps d’étudier

A l’instar du compte administratif dans une collectivité locale, la loi de règlement constate l’exécution budgétaire de l’exercice antérieur et les éventuels écarts par rapport à la loi de finances initiale (modifiée éventuellement en cours de gestion). La crise de la covid-19 et ses conséquences économiques n’explique pas l’intégralité de la poursuite de la dérive des comptes publics.

Bien que la Cour des comptes ait qualifié les comptes de l’Etat « réguliers et sincères », elle n’en formule pas moins de fortes critiques : hausse de la dépense publique de 37,1 Md€ par rapport à 2020 dont 17,6 Md€ non justifiés par la crise sanitaire et ses conséquences ; un montant important de crédits reportés sur 2022 (23,2 Md€ après 36,7 Md€ en 2020) ce qui atténue la portée de l’autorisation parlementaire ; une hausse massive de besoin de financement de l’Etat « largement supérieur à ceux de la décennie 2010-2019, ainsi qu’à ceux du pic lié à la crise financière de 2009 ».

Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) déplore quant à lui la dégradation du déficit structurel en 2021 (-4,4% contre-1,1% en 2020) et rappelle au Gouvernement que « La soutenabilité de la dette publique suppose une nette réduction du déficit structurel dans les années à venir et notamment une action sur la dépense publique, dont le niveau rapporté au PIB est resté, en 2021, nettement supérieur à son niveau d’avant-crise ».

Pour des raisons diverses, les groupes Les Républicains, socialistes, communistes ont rejeté le texte et le groupe de l’union centriste s’est abstenu. En conséquence, seuls une cinquantaine de sénateurs l’ont approuvé mardi 19 en fin d’après-midi. La commission mixte qui s’est réunie dès mercredi 20 a constaté l’absence d’accord. Le texte va donc repartir à l’Assemblée. Pour ma part, je regrette vivement que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances n’aient pas eu les moyens d’analyser la politique du « quoi qu’il en coûte » menée en 2021. Nous n’avons pu auditionner aucun responsable de programme budgétaire. Je rappelle que sous le quinquennat précédent, la majorité à l’Assemblée nationale avait fait du « printemps de l’évaluation » l’alpha et l’oméga du travail de la commission des finances.

La France sort de l’état d’urgence sanitaire

La France est placée sous le régime de l’état d’urgence sanitaire créé par la loi du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de covid‑19. Le régime actuel est celui de « gestion de la sortie de crise sanitaire » et a été prolongé jusqu’au 31 juillet 2022. Ce régime entraine, la possibilité de demander la présentation, dans certains lieux et dans certains contextes, d’un passe sanitaire. Même si la majorité des restrictions liées à l’épidémie ont été levées, aujourd’hui, deux mesures restent en vigueur :

  • L’obligation de présenter un pass sanitaire pour l’accès aux établissements de santé, aux maisons de retraites et aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap ;
  • L’obligation de présenter un document sanitaire pour se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’un des territoires ultramarins.

Le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyait de prolonger jusqu’au 31 mars 2023, les systèmes d’information, SI-DEP et « Contact Covid » liés à la covid-19 mais aussi la possibilité pour le Gouvernement d’imposer la présentation d’un document sanitaire, pour les personnes de plus de douze ans, afin de se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’un des territoires ultramarins. En commission des lois à l’Assemblée Nationale, ces mesures ont été ramenées au 31 janvier 2023 et finalement le fait de pouvoir imposer la présentation d’un document sanitaire pour les personnes qui voyagent a été supprimé par les député réunis en séance publique, le 12 juillet 2022. Le Sénat a procédé à une profonde réécriture du projet de loi dont la version a été conservée dans sa globalité par la commission mixte paritaire :

  • il est mis fin sans ambiguïté aux régimes d’exceptions, et en particulier de l’état d’urgence sanitaire :  ils sont clairement abrogés. Le titre de la future loi a également été modifié dans ce sens ;
  • dès que la situation sanitaire ou l’état de nos connaissances le permettront, il sera mis fin à l’obligation de vaccination des soignants, sans dépendre du bon vouloir du Gouvernement ;
  • un accès facile des Français au certificat covid numérique de l’UE est maintenu jusqu’en juin 2023, sans déroger au droit au secret médical, ni effectuer de « contact tracing ».

Sur la question des contrôles sanitaires aux frontières de l’hexagone et des Outre-mer (article 2), le Sénat a voté un dispositif juridiquement robuste, très ciblé dans son application, et exigeant à l’égard de l’exécutif :

  • Bien plus ciblé que celui proposé par le Gouvernement, le certificat sanitaire de voyage ne s’appliquera qu’en cas d’apparition et de circulation d’un nouveau variant de la covid-19 susceptible de constituer une menace sanitaire grave. Il ne concernerait que les personnes en provenance des pays où ce variant circulerait ;
  • Conscient des enjeux sanitaires très particuliers de ces territoires, les sénateurs ont créé un dispositif spécifique aux territoires d’outre-mer, applicable seulement en cas de risque de saturation des services de santé locaux. Il prévoit une large consultation des élus ultramarins, et la possibilité pour ceux-ci de demander de leur propre initiative la mise en place des contrôles ;
  • Le seul document exigé serait le test virologique (PCR) négatif ;
  • Le texte du Sénat prévoit que le Gouvernement ne pourrait mettre en place de tels contrôles aux frontières que pour une durée de deux mois. Après ce terme, il devra demander au Parlement l’autorisation de sa prolongation.

Le Sénat valide l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN

Jeudi, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’accession de la Finlande et de la Suède à l’OTAN. Les deux pays avait fait acte de candidature le 18 mai 2022. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a été l’élément déclencheur de leur demande d’adhésion. Lors du sommet de Madrid tenu du 28 au 30 juin 2022, les deux pays ont été invités à rejoindre l’Alliance et les pays membres ont signé les protocoles d’adhésion le mardi 5 juillet. A ce jour, 12 pays de l’OTAN ont ratifié les protocoles. L’adhésion doit se faire le plus rapidement possible pour que la Finlande et la Suède soient protégés par la clause de défense mutuelle du Traité de l’Atlantique Nord, énoncé à l’article 5. Or, la Turquie a annoncé ne pas pouvoir ratifier avant octobre en raison de la suspension des travaux de la Grande Assemblée nationale.

Comme la Turquie, la Finlande et la Suède sont des pays neutres. La neutralité militaire de la Turquie constitue un choix stratégique demi-contraint. Elle a signé un pacte d’amitié avec l’Union soviétique en 1948 sous la pression de celle-ci et a dû renoncer au plan Marshall. La politique étrangère de la Turquie était donc subordonnée à celle de l’URSS même si cela lui a permis de rester en dehors du Pacte de Varsovie et donc de conserver une politique intérieure autonome. Si en 2020, 20% seulement de la population finlandaise soutenaient une adhésion à l’OTAN, cette part atteint désormais 76% en mai 2022. L’invasion de la Crimée en 2014, les actions de déstabilisation du Kremlin et enfin l’invasion de l’Ukraine ont eu raison de la neutralité finlandaise. Quant à la Suède, seul pays à ne pas avoir été envahi pendant la seconde guerre mondiale, sa neutralité allait de pair avec un soutien sans faille du multilatéralisme et une politique « compassionnelle » envers les pays en développement. Cette neutralité a été assouplie en 1992 en vue de l’adhésion à l’UE. La crainte de voir l’ile de Gotland devenir un point d’appui pour l’armée russe dans la mer Baltique a précipité la volonté d’adhésion à l’OTAN. L’évolution de l’opinion publique a été rapide : 42% d’opinions favorables en janvier 2022 ; 57% en mai 2022.

L’entrée de la Finlande et de la Suède constitue un apport bénéfique pour l’Alliance. En effet, les deux pays se sont engagés dans de multiples coopérations avec l’OTAN malgré leur neutralité :

  • En 1994, ils ont rejoint le programme de partenariat pour la paix ;
  • Ils ont apporté une contribution aux opération de l’OTAN dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak ;
  • Ils ont reçu le statut de partenariat aux opportunités renforcées, la forme de coopération la plus avancée de l’OTAN ;
  • Helsinki accueille le Centre d’excellence européenne pour la lutte contre les menaces hybrides, soutenu par l’OTAN et l’UE ;
  • Le 25 février 2022, les Alliés ont activé le dispositif des « modalités d’interaction renforcée », les rendant destinataires des documents de l’OTAN relatifs à la situation en Ukraine. Ils apportent aussi des capacités militaires importantes.  La Finlande est l’une des plus grosses armées européenne avec 280 000 soldats et 870 000 réservistes ;
  • Cette adhésion permet de renforcer la posture de défense et de dissuasion du flanc oriental de l’OTAN et la protection des Etats baltes, en cas d’attaque russe, sera rendu plus crédible.

Cependant, l’adhésion de la Finlande et la Suède pourrait avoir des conséquences sur la politique de « la porte ouverte » de l’Organisation. Chaque adhésion doit rester un processus individuel, lié à la mise à niveau de l’appareil de défense mais aussi à la situation politico-militaire de chaque candidat. Le fait que la Finlande et la Suède aient souhaité rejoindre l’OTAN alors qu’ils étaient couverts par la garantie de sécurité de l’article 42-7, en tant que membres de l’UE, montre que l’Union européenne a encore beaucoup à faire pour assurer cette crédibilité de garantie de sécurité.

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