Les années se suivent et se ressemblent, il est regrettable qu’en matière de maîtrise de dépenses publiques, on puisse itérer les mêmes critiques d’un exercice à l’autre. Ce budget intitulé « Un pouvoir d’achat préservé grâce aux mesures du Gouvernement » a été présenté comme visant à protéger les Français face à l’inflation provoquée par la crise énergétique et le conflit en Ukraine. Or dans le détail toutes les missions voient leur enveloppe budgétaire progresser par rapport à la loi de finances pour 2022. On a donc du mal à dégager une priorité, sauf à dire que tout participe au pouvoir d’achat.
Aucune économie structurelle n’est réalisée, les dépenses ordinaires continuent de croître et le déficit d’augmenter. Comment dire que l’Etat protège alors qu’il déverse des milliards financés par le déficit ! La dette publique représente aujourd’hui près de 42 000 euros par Français. Or ce que le consommateur gagne aujourd’hui sur son pouvoir d’achat, le contribuable devra l’honorer demain avec une hausse rapide de la charge de la dette. En 2027, la charge de la dette sera équivalente au budget de l’enseignement scolaire.
A cette heure, la majorité refuse de s’inscrire dans une trajectoire responsable de redressement des comptes publics en adoptant une loi de programmation des finances publiques (un peu) ambitieuse. La commission mixte paritaire s’est réunie jeudi matin pour décider de se revoir dans une semaine. Je crains malheureusement que nos deux visions pour la France soient difficilement conciliables.
Ce budget acte plus de 55 Md euros de dépenses pour diminuer le prix des énergies pour les consommateurs : 25 Md euros pour le bouclier électricité, 20 Md euros pour le bouclier gaz, 5 Md euros pour l’amortisseur électricité, 4 Md euros pour le guichet d’aides aux entreprises en difficulté, 1,5 Md euros pour le filet de sécurité des collectivités. Le cadre législatif de ces dispositions a été précisé par amendements du Gouvernement déposés au cours de la lecture parlementaire, parfois bien tardivement. Par ailleurs, le fonctionnement précis est renvoyé à la voie réglementaire, qui échappe au Parlement.
PLF 2023 : Les propositions du Sénat à l’égard des collectivités
Le Sénat a voté plusieurs dispositions en faveur des collectivités. Malheureusement, il semble que le Gouvernement ne retienne rien dans le texte du 49.3.
👉 Élargissement et simplification du filet de sécurité pour les communes confrontées à une explosion de leur facture énergétique : le Gouvernement propose que les communes qui ont plus de 10 équivalents temps plein et plus de 2 millions d’euros de recettes (donc non éligibles aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité dont la hausse sera limitée à 15 % en 2023) bénéficient d’un filet de sécurité. Ce dernier est trop restrictif, puisque les critères d’éligibilité qui sont proposés, relatifs à la perte d’épargne brute et au potentiel financier, excluent d’emblée plus de 40 % des collectivités territoriales et de leurs groupements. Dans la version du Sénat, toutes les communes (sans critères) peuvent bénéficier du filet si la hausse de leur dépense d’énergie est trop importante par rapport à la croissance de leurs recettes de fonctionnement. Plus précisément, elles percevraient une dotation égale à 50% de la différence, si elle est positive, entre l’augmentation des dépenses d’approvisionnement en énergie entre 2023 et 2021 de la commune et 40 % de la hausse de ses recettes réelles de fonctionnement entre 2023 et 2021.
👉 Le Sénat a voté la réintégration des dépenses d’agencement et d’aménagement de terrains dans l’assiette du FCTVA.
👉 Nous avons confirmé le report à 2025 de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, proposé par le Gouvernement, à la suite de la demande des sénateurs LR dans le collectif budgétaire de juillet dernier, en raison de la remontée encore trop parcellaire de données du terrain, ne permettant pas une réforme reflétant la réalité. En revanche, nous nous sommes opposés au report de deux ans de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, rien ne le justifiant. L’établissement de bases reflétant mieux la valeur des locaux est un impératif de justice fiscale et un élément essentiel pour préserver le consentement à l’impôt et le lien fiscal entre le citoyen et sa commune.
👉 Les sénateurs LR ont, par ailleurs, supprimé les règles de lien entre les taux de THRS et de TFPB, au profit d’un encadrement de l’évolution de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Cela devrait permettre aux communes qui le souhaitent, notamment les communes du littoral et de montagne, fortement concernées par le phénomène, de lutter contre la multiplication des résidences secondaires en les taxant davantage (dans la limite de 25 %), sans pour autant pénaliser les propriétaires par une hausse de la taxe foncière. Leur multiplication prive en effet les jeunes ménages de logement dans leur commune. Dans le même esprit, pour faire face à la hausse des locations de type Airbnb qui prive les habitants de logement, le Sénat a voté l’exclusion d’un abattement fiscal pour les micro-entreprises des contribuables qui donnent en location au moins trois meublés de tourisme.
👉 Enfin, le Sénat a maintenu la CVAE en 2023. Cette décision ne reflète pas exactement la position des sénateurs LR, les sénateurs centristes n’ayant pas voté avec nous, nous privant de ce fait de la majorité en séance. Nous avions proposé, pour notre part, un dégrèvement de CVAE, qui aurait eu l’avantage de faire bénéficier les entreprises d’une baisse de leur fiscalité mais aussi de permettre aux communes de percevoir en 2023 un montant de CVAE identique à celui qu’elles auraient perçu en l’absence de réforme, tout en conservant la dynamique de leurs bases, le temps que la concertation aboutisse sur les modalités de répartition du fonds d’attractivité économique du territoire, prévu dans le texte initial. Il nous apparait en effet essentiel de conserver un lien fort entre le dynamisme économique de la commune et les ressources fiscales qu’elle perçoit.
PLFR pour 2022 : Quelques mesures du Sénat figurent dans le texte promulgué
👉 Le reversement de la taxe d’aménagement à l’EPCI, y compris en 2022, redevient facultatif. Si une délibération a déjà été prise, il sera possible de l’annuler ou la modifier en prenant une nouvelle délibération dans les deux mois qui suivront la promulgation de la seconde loi de finances rectificative pour 2022 (donc d’ici fin janvier 2023). Si les délibérations déjà prises ne sont pas annulées dans ce délai, les communes seront tenues de reverser les sommes prévues dans ces délibérations.
👉 50 millions d’euros pour accélérer la rénovation des réseaux d’eau et éviter les fuites. Les sécheresses de l’été 2022 ont endommagé les infrastructures du réseau d’eau déjà fortement abimées. Chaque année, 20 % du volume d’eau potable distribué chez les usagers est perdu, ce qui représente 1 milliard de mètres cubes d’eau !