Le Sénat débat des retraites

Les jours et les nuits se ressemblent depuis vendredi dans l’hémicycle du Sénat : les groupes de gauche pratiquent l’obstruction, certes beaucoup moins bruyamment qu’à l’Assemblée nationale, nous écoutons sagement. Cette réforme est nécessaire et indispensable. Quelques éléments pour mieux comprendre la réforme et les positions défendues par le groupe LR au Sénat.

La démographie est le moteur du système de retraite français

Le système par répartition est basé sur la redistribution des cotisations encaissées par les actifs et versées aux retraités sous forme de pensions. La France vieillit : Plus d’un Français sur cinq (21,3 %) a 65 ans et plus, contre 13 % dans les années 1980 ; Les moins de 20 ans représentent 23 % des Français (30 % dans les années 1980). Le ratio d’actifs cotisants par retraité se dégrade : En 1960, on comptait 4 cotisants pour un retraité ; En 2004, il n’y avait plus que 2,02 cotisants pour un retraité et en 2019, le ratio est tombé à 1,71 selon l’Insee. Sans réforme, il pourrait s’établir à 1,5 en 2040 et à 1,2 en 2070 selon le Conseil d’orientation des retraites (COR). Il n’y aurait donc pas assez de cotisants par rapport aux nombres de retraités. Par ailleurs, l’espérance de vie en 1981, quand l’âge de départ était à 65 ans, était de 78,5 pour les femmes et 70,4 ans pour les hommes. En 2022, l’espérance de vie est de 85,2 ans pour les femmes et de 79,3 ans pour les hommes.

=> Il est nécessaire de récompenser les difficultés professionnelles subies par les mères de famille du fait de l’éducation des enfants.

Dans le but de tenir compte de la situation des mères de famille qui atteignent souvent la durée de cotisation requise grâce aux trimestres de majoration de durée d’assurance accordés au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants, la majorité sénatoriale propose de permettre aux assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration et ayant atteint la durée requise à 63 ans de bénéficier d’une surcote de 5 % par an dès 64 ans. (article 8)

=> Il est nécessaire de traiter de manière équitable tous les parents de trois enfants.

Dans la quasi-intégralité des régimes de retraite, les parents d’au moins trois enfants bénéficient d’une majoration de 10 % du montant de leur pension. Il en va ainsi des salariés, des travailleurs indépendants, des non-salariés agricoles et des fonctionnaires. Dans ce dernier cas, une majoration de 5 % est également accordée pour chaque enfant au-delà du troisième. Bien que les professionnels libéraux cotisent au titre du risque famille, ceux d’entre eux qui ont eu au moins trois enfants ne bénéficient pas de la majoration de pension de 10 % attribuée aux salariés, aux travailleurs indépendants, aux non-salariés agricoles et aux fonctionnaires, et financée par la Caisse nationale des allocations familiales. Dans une logique de justice, la majoration de pension de 10% sera ouverte aux professionnels libéraux et aux avocats. (article 10)

=> Il est nécessaire de prévoir dans le futur un dispositif de capitalisation.

La prochaine réforme devra intégrer l’introduction d’une part de capitalisation. Cette évolution est nécessaire par le déséquilibre structurel entre le nombre de cotisants et de retraités. Pour que cette réforme soit juste, il faut une capitalisation solidaire, avec une part obligatoire pour tous. (article additionnel après l’article 1)

Le niveau des déficits des régimes de retraites est un problème

Selon le COR, le régime de retraites des salariés du privé serait déficitaire de 13 M€ à 15 M€ par an entre 2024 et 2034, soit un déficit cumulé de près de 150 M€ en 10 ans. Ces prévisions de déficits sont construites à partir d’une hypothèse de plein emploi (4,5% de chômage). Par ailleurs, le déficit structurel des régimes de retraites des fonctionnaires, estimé à plus de 30 Mds € est souvent passé sous silence. Les calculs du COR ne valorisent jamais le déficit de l’Etat en matière de retraite. Mais dans les faits, il manque des milliards pour payer les retraites des fonctionnaires.

L’espérance de vie en bonne santé augmente

L’espérance de vie en bonne santé (sans incapacité) à 65 ans s’établit en 2020 à 12,1 ans pour les femmes et 10,6 ans pour les hommes. S’agissant de l’espérance de vie à 65 ans sans incapacité sévère, elle est de 18,1 ans pour les femmes et 15,7 ans pour les hommes. Dans tous les cas de figure, pour les hommes comme pour les femmes, les chiffres montrent une progression de l’espérance de vie sans incapacité depuis 2008. La part des personnes de 75 ans ayant déclaré en 2020 une incapacité modérée est en baisse. La part des incapacités fortes est en léger recul chez les hommes. Chez les femmes elle reste stable mais augmente légèrement après 65 ans.

De nombreux Français partent déjà à la retraite après 62 ans

En 2021, l’âge moyen de départ à la retraite du régime général (salariés et régimes affiliés) est de 62,9 ans. Il est un peu plus élevé pour les femmes : 63,2 ans contre 62,7 ans pour les hommes. L’âge moyen augmente car l’entrée sur le marché du travail est de plus en plus tardive avec l’allongement de la durée d’étude, les carrières sont moins linéaires (il faut donc cotiser plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein), le taux plein est accessible après 43 annuités de cotisation. Sans réforme, l’allongement « naturel » permettrait d’atteindre les 64 ans à l’horizon 2040 selon le COR.

Dans tous les autres pays d’Europe, l’âge légal de départ à la retraite est de 64 ans au moins

Sur 32 pays d’Europe, 27 ont un âge légal de départ à la retraite à 64 ans ou plus. C’est même 67 ans au Danemark, en Islande ou en Italie. Mais les âges légaux de chaque pays ne suffisent pas à comparer des systèmes de retraite. En effet, de fortes variations existent d’un pays à l’autre, en termes de conditions d’éligibilité, de durées de cotisation et d’affiliation, ou de salaires pris en compte pour le calcul et de niveau de retraite.

Avec le report de l’âge légal à 64 ans, les seniors ne seront pas plus nombreux au chômage

Au début des années 2000, le taux d’emploi des personnes de 55 à 64 ans oscillait autour de 30 %. En 2021, avec l’allongement des durées de cotisation et le recul de l’âge à 62 ans, il atteint 56 %, selon une étude du service statistique du ministère du Travail, la Dares, publiée le 12 janvier dernier. Les taux d’emploi et taux d’activité des seniors n’ont ainsi jamais été aussi hauts depuis 1975. Mais le taux d’emploi diminue nettement avec l’âge et passe même sous la barre des 20 % à partir de 64 ans.

=> Il est nécessaire d’améliorer les conditions d’emplois des plus âgés.

Il manque véritablement un volet concernant l’emploi des séniors.  L’index senior proposé par le gouvernement n’est qu’un outil statistique. Le dispositif doit être amélioré pour prendre en compte les séniors qui sont au chômage et également les séniors en emploi. Le Sénat a introduit un CDI de fin de carrière qui sera exonéré de cotisations familiales pour les salariés d’au moins 60 ans auxquels l’employeur donnera une mission jusqu’à sa retraite à taux plein (article additionnel après l’article 2). Le Sénat maintient à 60 ans l’âge d’éligibilité à la retraite progressive pour les bénéficiaires actuels comme pour les nouveaux. (article 13) 

Résumé de la première partie sur les recettes (adoptée le 7 mars)

Article 1er : Le Sénat a adopté sans modification de fond cet article qui ferme les principaux régimes spéciaux de retraite. Cependant, la mesure ne s’appliquera que pour les nouveaux entrants avec la « clause du grand-père » à partir du 1er septembre 2023. Les régimes concernés se caractérisent par un déséquilibre financé soit par un abondement de l’État ou de l’employeur, soit par une taxe spécifique.

Article 1er bis A (nouveau) : Le Sénat a adopté le principe d’un rapport pour étudier les conséquences pour les assurés et les pensionnés d’une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation, à l’image de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens ou du régime additionnel de la fonction publique.

Article 1er bis (supprimé) : Le Sénat a supprimé cet article qui demandait au Gouvernement de remettre dans un délai d’un an un rapport au Parlement sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraites. Cette disposition est une tentative de revenir à une réforme systémique du système de retraite, fondée sur un régime universel par points, en pleine contradiction avec tout le reste du projet de loi qui met en œuvre une réforme paramétrique portant sur l’âge d’admission à la retraite et le nombre d’annuités nécessaires. Le Gouvernement avait proposé un tel système en 2019 et avait été contraint de le retirer.

Article 2 : Mise en place d’un index senior et négociation en entreprise sur l’emploi des seniors. Le Sénat a fixé à 300 salariés le seuil des entreprises concernées par la publication des indicateurs permettent d’évaluer la situation de l’emploi des seniors. En effet, les entreprises de 50 à 300 salariés ne sont pas toutes dotées de services de ressources humaines capables de publier de telles données.

Article 2 bis A (nouveau) : Contrat de fin de carrière pour le recrutement de salariés âgés d’au moins 60 ans. Dans le cadre de ce CDI, l’employeur sera exonéré de cotisations famille, afin de compenser le coût d’un salarié senior qui, compte tenu de son expérience, peut prétendre à une rémunération plus élevée qu’un jeune actif. L’employeur pourra mettre un terme au contrat en procédant à la mise à la retraite du salarié s’il remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Ainsi, l’employeur ne sera pas tenu de conserver le salarié jusqu’à ses 70 ans, âge butoir qui représente aujourd’hui un frein à l’embauche de seniors. Il sera en outre exonéré de contribution sociale sur les indemnités versées au salarié en cas de mise à la retraite, afin de l’inciter à maintenir le senior en emploi jusqu’à ce qu’il puisse liquider sa pension. Le Gouvernement s’est opposé à ce dispositif au regard du coût estimé, sans qu’il soit possible aux sénateurs de vérifier les montants annoncés.

Article 2 bis : Harmonisation des contributions sur les indemnités versées pour rupture conventionnelle et pour mise à la retraite

Article 2 ter : Mutualisation des charges liées aux maladies professionnelles à effet différé afin d’alléger le poids pour le dernier employeur de l’usure accumulée par les salariés âgés au cours de leur carrière. Le Sénat a étendu cette mesure au régime des salariés agricole.

Article 3 :  Annulation du transfert aux Urssaf de l’activité de recouvrement de l’Agirc-Arrco et de la Caisse des dépôts et consignations.

Article 6 : Le Sénat a inscrit dans la loi le principe d’une compensation intégrale par l’État, dès 2023, des surcoûts pour les employeurs publics engendrés par l’augmentation des cotisations patronales à la CNRACL.

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