Ce deuxième projet de loi de finances rectificative fait également office de Pacte de stabilité. Il procède à une révision des prévisions macroéconomiques. Le PIB reculerait, a minima de 8 % en 2020 (le PLF était construit sur une prévision de croissance de 1,3 %, le premier PLFR faisait état d’une récession de 1 % seulement). Le Gouvernement table sur une reprise forte et rapide du fait d’un retour rapide à une activité économique normale après le confinement. C’est théoriquement possible si l’on considère que la récession actuelle est due à un manque d’offre de travail du fait du confinement ; cela apparaît hypothétique lorsque l’on prend en compte les difficultés, par exemple, à remettre tous les enfants à l’école. La consommation pourrait être soutenue à la réouverture des magasins, les mesures de soutien aux salariés ayant eu pour conséquence une augmentation forte de l’épargne (55 Md€ depuis le début du confinement selon l’OFCE). Tout dépendra de la confiance des français dans l’avenir.
Ce projet de loi acte un renforcement significatif des dispositifs de soutien. Cependant, les dépenses d’ordre budgétaire, à hauteur de 42 Md€ ( contre 11,5 Md€ dans le premier PLFR ; 24 Md€ sont consacrés à l’indemnisation du chômage partiel), représentent un effort équivalent à 1,9 % du PIB ; c’est certes plus qu’en Espagne ou en Italie (1,2 % du PIB) mais bien moins qu’au Royaume-Uni (3,7 %), qu’en Allemagne (4,4 %), au Canada (5,2 %) ou aux Etats-Unis (6,9 %). L’Allemagne ou le Royaume-Uni vont plus loin dans la nationalisation des pertes subies par les acteurs économiques, notamment par les TPE, les indépendants ou les professions libérales.
Croissance négative (et donc moindres recettes : -40,5 % pour l’impôt sur les sociétés, -9 % pour la TVA, -7,9 % pour l’impôt sur le revenu, -15,3 % pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et augmentation des dépenses se traduisent par une forte dégradation des comptes publics : déficit nominal 2020 de l’ordre de 9 % du PIB et endettement équivalent à 115 % du PIB. Le très faible niveau des taux d’intérêt masque le poids de la dette : en 2020, le niveau des charges d’intérêt sera le plus faible jamais atteint ! (36,1 Md€ contre 40,4 Md€ en 2019, ce PLFR annulant même 2 Md€ de crédits budgétaires pour ce poste) Il convient cependant d’être extrêmement vigilant car une remontée des taux se traduirait par une explosion de la charge de la dette.
Le ministre de l’Action et des comptes publics a d’ores et déjà annoncé un troisième budget rectificatif, avec des chiffres de déficit et de dette qui pourraient être supérieurs. Ce projet de loi doit mettre en place des dispositifs de soutien à l’égard des collectivités locales qui jouent un rôle majeur dans les domaines économiques, sociaux et sanitaires. Un plan de relance doit également être mis en oeuvre. Le Conseil européen du 23 avril a été l’occasion de dessiner les contours des dispositifs de soutien à l’échelle de l’Union. Lors d’une audition de la secrétaire d’Etat aux affaires européennes post Conseil, j’ai eu l’occasion de l’interroger sur l’articulation de ce plan avec la feuille de route de l’Union pour les prochaines années, à savoir une priorité pour la croissance verte (décision du Conseil européen du 12 décembre 2019 et plan d’investissement pour une Europe durable du 15 janvier).
Ce deuxième projet de loi de finances rectificative, adopté à l’issue de la commission paritaire le jeudi 23 avril, prévoit notamment : (1) la hausse des moyens des dispositifs d’urgence en faveur des salariés et des entreprises, avec 24 Md€ prévus pour l’activité partielle et 7 Md€ sur le fonds de solidarité pour les très petites entreprises ; (2) un montant de 20 Md€ de crédits pour le renforcement des participations financières de l’État dans les entreprises stratégiques en difficulté ; (3) un abondement du Fonds de développement économique et social (FDES), dont une enveloppe de prêts aux entreprises fragiles et en difficulté d’1 Md€ ; (4) un mécanisme de prêts participatifs adossés au FDES pour les TPE et PME qui n’ont pas eu accès à un prêt bancaire garanti par l’État ; (5) une provision de 8 Md€ pour les dépenses exceptionnelles de santé pour faire face à l’épidémie, notamment les matériels et les masques, les mesures sur les indemnités journalières ou les rémunérations exceptionnelles pour le personnel soignant.
Par ailleurs, ce texte : (1) abaisse à 5,5 % le taux de TVA applicable aux tenues de protection (gants, sur-blouses, etc.) adaptées à la lutte contre l’épidémie ; (2) porte à 1 000 € le plafond de déduction à l’impôt sur le revenu des sommes versées aux associations de soutien aux plus démunis, notamment les banques alimentaires ; (3) exonère d’impôt sur le revenu à hauteur d’un plafond de 7 500 € les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires, effectuées depuis le 16 mars et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (le texte sorti de l’Assemblée nationale fixait un plafond de 5 000 € ; le Sénat avait lui souhaité une exonération de toutes les heures effectuées pendant la période).