Semaine du 11 janvier 2021

Cette semaine marque la reprise des travaux du Sénat en séance publique. Cette semaine était une semaine dite de contrôle. Le Sénat a débattu de sujets très divers avec le gouvernement : politique de l’énergie, pollution des sols, illectronisme, avenir des zones de montagne. Dans le cadre du débat portant sur le risque de défaillance du système électrique (black-out) en cas de vague froid, j’ai demandé à la ministre au banc pourquoi la seconde tranche de la centrale nucléaire de Fessenheim avait-elle été fermée quoi qu’il en coûte au début de l’été.

Le Sénat a également adopté une proposition de loi rédigée à partir des travaux menés par une mission d’information de la commission du développement durable sur l’empreinte environnementale du numérique. La mission d’information a fait le constat que le numérique et ses usages explosent. Si beaucoup ont en tête son rôle facilitateur pour le télétravail, il ne faut pas oublier ses utilisations dans l’industrie. Cependant le numérique induit des consommations d’énergie, d’eau douce et des émissions de gaz à effet de serre. Le numérique représente aujourd’hui 2 % de notre empreinte carbone, 7 % dans un futur proche si rien n’est fait. Ces travaux et ces constats ont conduit le Président du Séant à saisir le Haut Conseil pour le climat, afin de disposer d’une évaluation environnementale de la 5G. C’était la première fois que le président d’une assemblée faisait usage de cette possibilité qui lui est ouverte par la loi. Pour en revenir au texte adopté par le Sénat mardi, on peut retenir quatre grands apports : 1) la lutte contre l’obsolescence marketing des smartphones ; 2) la création d’un référentiel général de l’écoconception pour les sites web ; 3) la réduction des impacts environnementaux associés à la fabrication et à l’utilisation des box par leur mise en veille ou leur mutualisation ; 4) la promotion de stratégies numériques responsables sur les territoires.

Mercredi soir, j’ai été l’invitée « fil rouge » de l’émission Allons plus loin sur Public Sénat. J’ai notamment été interrogée sur la stratégie de vaccination, sur la proposition de loi visant à durcir les amendes contre les squatteurs ou encore sur la procédure d’impeachment aux Etats-Unis (je vous conseille la chronique de l’historien en plateau pour découvrir les dessous du 25ème amendement de la constitution états-unienne). Pour ma carte blanche, j’avais choisi d’évoquer le Liban.

Dans le département

J’ai eu la chance d’aller évoquer le « métier » de sénateur devant une classe de grande section de maternelle. Je regrette que les conditions sanitaires ne permettent plus les visites de jeunes au Sénat. Ce sont toujours des moments d’échange enrichissants. N’hésitez pas à me solliciter si vous connaissez une école intéressée.

Le Préfet a tenu une nouvelle audioconférence vendredi après-midi. Il a confirmé la forte adhésion des altoséquanais à la vaccination. 30 communes avaient déposé un dossier pour accueillir un centre de vaccination, 12 ont été retenues. Ces centres sont ouverts à tous, même aux personnes n’habitant pas le département. Le Conseil départemental a proposé ses services pour assurer le transport des personnes à mobilité réduite. Le second rendez-vous sera proposé dans le délai de 28 jours. Le faible nombre de doses disponibles pour le département demeure le principal problème !

Pour terminer sur une note musicale , il reste quelques jours (jusqu’au 23 janvier) pour visualiser en ligne ce spectacle jeune public proposé par la ville de Clichy.

Semaine du 4 janvier 2021

Après des semaines intenses consacrées à la discussion de la loi de finances pour 2021 et de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020, les activités du Sénat se sont arrêtées pour trois semaines. En temps normal, les semaines de janvier sont consacrées aux cérémonies de vœux qui sont l’occasion de faire un bilan de l’année écoulée et de présenter les projets de l’année qui débute.

Qui dit nouvelle année, dit traditionnellement bonnes résolutions. J’ai décidé de me fixer l’objectif de vous faire partager, semaine après semaine, les grands moments de mon activité.

Mon année 2021 aurait dû débuter avec un déplacement au Liban avec une délégation du groupe d’amitié que je préside. Alors que nous devions prendre l’avion mercredi 6 après-midi, le pays est entré à nouveau en confinement à minuit. Ce confinement, très strict, ne rendait plus possible les visites et les rencontres que nous avions préparées pendant les deux dernières semaines de décembre. Nous nous sommes donc rendus à la raison en décalant à nouveau notre déplacement. Nous avons réussi à organiser quatre entretiens en visio (le Premier ministre démissionnaire, deux ministres et le Patriarche maronite). Ils ont été l’occasion de partager le message que nous aurions aimé exprimer de vive voix .

« En tant que Sénateurs, nous portons un attachement tout particulier au respect des institutions et nous sommes, probablement plus que d’autres, attachés à une forme de pondération. Attachés à un juste équilibre entre, d’une part, les aspirations nouvelles qu’exprime la population et la nécessité de réformes qui apparaissent absolument indispensables et, d’autre part, la préservation d’éléments qui permettent de maintenir la cohésion de la société et de la Nation libanaise. Je forme le vœu, Monsieur le Premier ministre, que les hauts responsables de votre pays, forts de leur expérience, puissent trouver très rapidement les voies permettant au Liban de se redresser. »

Dans le département

Le Préfet a réuni les parlementaires en audioconférence vendredi en fin d’après-midi pour présenter la stratégie vaccinale et donner quelques informations sur la situation dans la ville de Bagneux. Il a relevé la forte mobilisation des mairies pour mettre en place des centres de vaccination.

Projet de loi de finances pour 2021

Le Sénat a débattu du projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021) pendant 145 heures et adopté 600 amendements, apportant ainsi une contribution importante au Budget ainsi qu’aux plans d’urgence et de relance économique. Rappelons que quatre projets de loi rectificatifs ont été votés sur l’année 2020 en raison du contexte sanitaire. Les députés ont cependant refusé presque systématiquement d’intégrer les apports du Sénat dans le texte final. 

Le Sénat a adopté un grand nombre de mesures en faveur des collectivités territoriales. Voici ci-dessous celles conservées dans la version finale de la loi :

La chambre haute a prévu de reconduire en 2021 le mécanisme de garantie de recettes fiscales des collectivités, adopté dans le troisième collectif budgétaire de 2020, en juillet dernier. Cet apport très important du Sénat a été en partie conservé dans le texte définitif. Les recettes domaniales et les régies municipales en ont été exclues (certaines régies vont faire l’objet d’une prochaine ordonnance en conseil des ministres), mais la CVAE et les autorités organisatrices de la mobilité ont été inclues.

Le Sénat a souhaité maintenir le montant du fonds postal national de péréquation territoriale à son niveau de 2020. Ce dispositif a été conservé dans le texte final. 8. Le Sénat a souhaité modifier le financement du Grand Paris en supprimant la disposition visant à ce que les EPT transfèrent à la MGP la totalité du produit de la dynamique de la CFE en 2021.Les députés, en nouvelle lecture, sont revenus en partie sur cet apport du Sénat ; ils ont prévu que ce transfert ne concernerait plus que deux tiers du produit de la dynamique de la CFE et que la Ville de Paris procèderait également à un tel versement.

Le Sénat a porté de 5 à 7 ans (jusqu’à fin 2024) le délai octroyé aux intercommunalités issues de fusions pour parvenir à l’harmonisation de leur tarification déchets, afin de ne pas décourager le déploiement d’une tarification incitative au profit d’une TEOM simple. Ce dispositif a été conservé dans le texte final. Le Sénat a voté un aménagement de la fiscalité locale applicable au stockage des déchets radioactifs.

Retrouvez ci-dessous quelques-unes de mes prises de position :

Lors de la discussion générale projet de loi finances pour 2021 https://youtu.be/toGbpw3YXGA

Puis sur les missions étudiées en deuxième partie :

👉 Mission « Remboursements et dégrèvements, Engagements financiers de l’État et Investissements d’avenir » https://youtu.be/IEtl_x3G20c
👉 Mission « Gestion des finances publiques » https://youtu.be/raV4B6bLDxw
👉 Mission « Administration générale et territoriale de l’État » https://youtu.be/1zt_qea-M94
👉 Mission « Recherche et Enseignement supérieur »  https://youtu.be/JAwafliLiSA
👉 Mission « Écologie, développement et mobilité durables » https://youtu.be/EnE8l4aVg7M
👉 Mission plan de relance https://youtu.be/97xLFAgBSrM

Un troisième projet de loi de finances pour soutenir l’économie et l’emploi avant un plan de relance qui arrivera (tardivement) à l’automne.

La session extraordinaire s’est clôturée la semaine dernière au Senat sur deux textes financiers : le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le débat sur l’orientation des finances publiques. L’occasion m’a été donnée de m’exprimer sur chacun de ces textes. Discuté sans interruption pendant trois jours et trois nuits, le PLFR 3 a été adopté par les deux chambres jeudi 23 juillet après une commission mixte paritaire (CMP) conclusive le mardi 21. (Pour l’anecdote, c’était ma première CMP conclusive sur un texte de loi de finances.)

La commission des finances du Sénat a regretté le retard pris par le Gouvernement pour présenter son plan de relance. Ce dernier devrait être présenté le 24 aout et être mis en œuvre via les textes du collectif budgétaire de fin d’année. J’ai porté personnellement deux amendements visant à renforcer les capitaux propres des entreprises via des mesures de transfert d’épargne (transfert de jours de CET ou de repos vers un plan d’épargne d’entreprise ; hausse du taux de réduction d’impôt pour les investissements dans les PME). J’ai par ailleurs apporté mon soutien aux amendements de mes collègues qui allaient dans le sens d’une incitation des entreprises à investir ou d’une mobilisation de l’épargne des particuliers. Je suis favorable aux mécanismes de soutien qui s’appuient sur une baisse temporaire des recettes de l’Etat plutôt que sur une augmentation de la dépense publique.

Concernant le territoire francilien, je me réjouis que le dispositif de soutien aux collectivités locales ait été élargi aux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris (par un amendement que j’ai porté). Les échanges lors de la discussion de l’amendement révèlent à quel point le fonctionnement institutionnel de l’Ile-de-France est encore mal connu.

Plus globalement, le PLFR 3 complète et améliore les réponses d’urgence déjà votées dans les deux premiers PLFR. Un effort financier particulier est fait pour le soutien à l’apprentissage. Le texte issu de la CMP permet de lever plusieurs fortes critiques exprimées au Sénat sur le texte transmis de l’Assemblée nationale, notamment :

  • Le dispositif de remise de dettes est désormais accessible à toutes les entreprises de moins de 250 salariés qui ont perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires (et non plus seulement aux entreprises appartenant à certains secteurs d’activité) ;
  • Le mode de calcul de la compensation versée à Ile-de-France Mobilité (IDFM) a été revue de manière à tenir compte de la hausse des taux du versement mobilité entre 2017 et 2019 pour le financement du Pass navigo unique. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière engager des discussions avec la présidente d’IDFM, Valérie Pécresse, pour préciser le montant réel des pertes et ses conséquences sur le renouvellement du matériel roulant ainsi que sur la modernisation du réseau.

Avec une chute du PIB estimée à 11 % entre le début et la fin de l’année 2020 et un déficit autour de 11,5 %, le financement par la dette atteint des sommets. Les taux bas rendent indolores ce besoin d’emprunt massif. Un véritable défi s’ouvre devant nous en cas de remontée des taux. Le besoin de financement de l’Etat aura augmenté de 65 % en un an pour atteindre 363,5 Md€. C’est beaucoup plus que lors de la crise financière de 2009-2010. Pour en savoir plus.

Le vote de la loi n’implique pas toujours sa mise en oeuvre dans des délais brefs

Hier en fin d’après-midi, le Sénat a débattu de la mise en œuvre de l’application des lois. Au cours de la session 2018-2019, 49 lois ont été votées, dont 22 d’application directe. Près de la moitié des lois votées sont d’initiative parlementaire. 31 textes ont été étudiés en procédure accélérée.

Sur les 918 mesures réglementaires attendues, seules 660 ont été publiées, soit un taux d’application de 72 %. Le Gouvernement retient une autre méthodologie qui porte le taux de mise en œuvre à 82 %. La crise sanitaire du COVID-19 est théoriquement sans conséquence sur les délais puisque depuis 2008 le Gouvernement s’engage à prendre les décrets d’application sous six mois. Le délai moyen a été de cinq mois et douze jours après la promulgation de la loi (un mois de plus que lors de la session précédente).

Seuls 12 % des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement ont été remis (35 % au terme de la session 2017-2018). Parmi ces rapports, certains sont demandés par le Gouvernement lui-même. Les débats dans l’hémicycle permettent de comprendre le rôle de pis-aller des rapports : c’est un moyen de satisfaire une demande sans volonté d’agir réellement.

Depuis le 6 juin 2019, le règlement du Sénat confie au rapporteur d’un texte législatif la mission d’assurer le suivi de son application. Tout au long de l’année, les huit commissions permanentes conduisent un travail de veille réglementaire sur les sujets relevant de leur champ de compétence. 1600 décrets et 8000 arrêtés sont pris chaque année.

Le débat a été l’occasion de dénoncer le recours massif aux ordonnances qui s’est banalisé depuis plusieurs années : 43 ordonnances en moyenne depuis 2007 (2 en moyenne entre 1960 et 1990 à titre de comparaison). Alors que le Gouvernement justifie leur recours par plus de rapidité dans la mise en oeuvre, le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, a fait remarquer qu’aucune des onze ordonnances prévues par la loi portant organisation et transformation du système de santé (OTSS) du 24 juillet 2019 n’a été publiée.

Par ailleurs, dans une décision du 28 mai dernier (alinéa 11), le Conseil constitutionnel indique qu’une ordonnance non ratifiée par le Parlement acquiert une valeur législative au terme du délai d’habilitation. Or, force est de constater que les projets de loi de ratification sont rarement examinés par le Parlement faute d’être inscrits à l’ordre du jour. En effet, rien n’oblige le Gouvernement en la matière. La Constitution prévoit uniquement qu’une ordonnance devient caduque si un projet de ratification n’est pas déposé avant le délai fixé par la loi d’habilitation. Cet état de fait limite le pouvoir de contrôle du Parlement.

Un Sénat confiné mais au travail pendant trois mois

Alors que le Premier ministre a présenté hier lors du Conseil des ministres un projet de loi définissant les conditions de sortie du régime de l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet prochain avec une période transitoire de quatre mois, il m’a semblé pertinent de revenir sur l’action du Sénat pendant cette période particulière.

Le Parlement a siégé sans interruption depuis le début de l’état d’urgence sanitaire. Le groupe majoritaire au Sénat a voté toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des Français et assurer la sauvegarde du tissu économique tout en se montrant exigeant vis-à-vis des libertés publiques et du soutien aux élus locaux.

Concernant l’adaptation du régime de responsabilité des élus et des chefs d’entreprise, le Sénat a tenu bon face auGouvernement qui parlait d’une loi « d’auto-amnistie » des élus. Un compromis trouvé avec l’Assemblée nationale a permis de modifier le régime général de la responsabilité, de manière à ce que lorsque le juge l’applique, il puisse tenir compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits (un maire, un chef d’entreprise, etc.) dans la situation de crise.

Concernant le système d’information permettant de remonter les chaînes de contamination, le Sénat a inscrit dans la loi six garanties: définition stricte des données utilisées (uniquement le statut virologique ou sérologique des personnes) ; possibilité d’exercer des droits d’accès, d’information, d’opposition et de rectification des données collectées ; suppression du renvoi à une ordonnance pour la mise en oeuvre du dispositif ; avis de la CNIL sur les décrets de mise en oeuvre ; obligation de devoir passer devant le Parlement pour mettre en place une application de type « stop covid » ; création d’un comité de contrôle et de liaison pour le traitement des données personnelles.

Concernant le fonctionnement des communes et des intercommunalités, le Sénat a obtenu les avancées suivantes : (1) la sécurisation des résultats du premier tour pour les conseils intégralement renouvelés ; (2) l’installation desdits conseils dans des conditions assouplies (abaissement du quorum au tiers des membres du conseil, possibilité de détenir deux pouvoirs, possibilité de réunir le conseil municipal en dehors du territoire de la commune) ; (3) assouplissement des règles de fonctionnement des instances délibératives pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire. Pour l’organisation du second tour des élections municipales, le texte adopté hier en première lecture prévoit plusieurs dispositions visant à favoriser la participation – possibilité d’être porteur de deux procurations, possibilité de choisir un mandataire habitant dans une commune différente à condition qu’il ait un lien de proche parenté, possibilité qu’un officier de police judiciaire se déplace auprès des personnes vulnérables ou infectées par la covid-19 pour établir les procurations. Par ailleurs, dès le début du confinement, a été mise en place une cellule d’assistance aux maires.

Au-delà de l’amendement des projets de loi, le Sénat a poursuivi son travail de contrôle de l’action du Gouvernement avec de multiplies auditions par les différentes commissions et délégations ou avec la création d’une mission de contrôle spécifique, sous l’égide de la commission des lois, sur les mesures législatives et réglementaires liées à l’épidémie de Covid. Par ailleurs, une commission d’enquête sera installée d’ici la fin du mois de juin afin de faire la lumière sur la gestion, par le Gouvernement, de la crise sanitaire. Enfin, des plans de relance thématiques ont été présentés au travers de la commission des affaires économiques (énergie, agriculture, numérique, industrie, tourisme).

L’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 10 juillet

Samedi 9 mai a été voté par le Parlement le projet de loi déposé par le gouvernement samedi 2 mai prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. Ce texte : (1) proroge l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet ; (2) adapte la réglementation des déplacements, des transports et de l’ouverture des établissements recevant du public et des lieux de réunion, en vue du déconfinement ; (3) précise les régimes de mise en quarantaine et de placement à l’isolement ; (4) élargit la liste des personnes habilitées à constater les infractions aux mesures de l’état d’urgence sanitaire, notamment les agents assermentés de la SNCF et de la RATP ; et (5) crée un système d’information rassemblant des données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles.

Sur ce dernier point, le texte issu des débats parlementaires essaie de garantir les libertés publiques : limitation à trois mois de la dérogation accordée au secret médical, par ailleurs restreinte aux seules données concernant l’infection par le virus covid-19 ; sécurisation du périmètre des données de santé concernées, en garantissant l’information des personnes dont les données sont entrées dans le système à l’initiative de tiers et en préservant une possibilité d’opposition au traitement de ces données ; création d’une instance de contrôle.

La question de la responsabilité aura été au cœur des débats ; elle était absente du projet de loi initial. Le texte adopté par la commission mixte paritaire distingue la responsabilité des autorités nationales qui ont décidé de la stratégie de ce déconfinement et disposent de toute la connaissance scientifique d’une part et la responsabilité des acteurs locaux qui ne sont que des exécutants d’autre part. Un maire, un chef d’entreprise ou un directeur d’école, qui ne font qu’appliquer des directives ministérielles, ne pourront être poursuivis pénalement que s’ils ont commis des fautes délibérées. Le Gouvernement s’est montré très frileux à inscrire dans la loi un encadrement de la responsabilité des acteurs locaux arguant de l’existence d’une jurisprudence constante de la Cour de Cassation et des juridictions administratives . Lors de la lecture dans l’hémicycle, il a souhaité revenir sur la rédaction adoptée par la commission des lois du Sénat. L’amendement déposé par le Gouvernement a été rejeté par 327 voix, dont la moitié du groupe La république en marche.

Le texte est désormais dans les mains du conseil constitutionnel. Charge à ce dernier de vérifier que les mesures adoptées sont « nécessaires et adaptées aux circonstances » pour paraphraser le président du Sénat Gérard Larcher qui l’a saisi.

Le dossier législatif

Le deuxième projet de loi de finances rectificative panse les plaies de l’économie

Ce deuxième projet de loi de finances rectificative fait également office de Pacte de stabilité. Il procède à une révision des prévisions macroéconomiques. Le PIB reculerait, a minima de 8 % en 2020 (le PLF était construit sur une prévision de croissance de 1,3 %, le premier PLFR faisait état d’une récession de 1 % seulement). Le Gouvernement table sur une reprise forte et rapide du fait d’un retour rapide à une activité économique normale après le confinement. C’est théoriquement possible si l’on considère que la récession actuelle est due à un manque d’offre de travail du fait du confinement ; cela apparaît hypothétique lorsque l’on prend en compte les difficultés, par exemple, à remettre tous les enfants à l’école. La consommation pourrait être soutenue à la réouverture des magasins, les mesures de soutien aux salariés ayant eu pour conséquence une augmentation forte de l’épargne (55 Md€ depuis le début du confinement selon l’OFCE). Tout dépendra de la confiance des français dans l’avenir.

Ce projet de loi acte un renforcement significatif des dispositifs de soutien. Cependant, les dépenses d’ordre budgétaire, à hauteur de 42 Md€ ( contre 11,5 Md€ dans le premier PLFR ; 24 Md€ sont consacrés à l’indemnisation du chômage partiel), représentent un effort équivalent à 1,9 % du PIB ; c’est certes plus qu’en Espagne ou en Italie (1,2 % du PIB) mais bien moins qu’au Royaume-Uni (3,7 %), qu’en Allemagne (4,4 %), au Canada (5,2 %) ou aux Etats-Unis (6,9 %). L’Allemagne ou le Royaume-Uni vont plus loin dans la nationalisation des pertes subies par les acteurs économiques, notamment par les TPE, les indépendants ou les professions libérales.

Croissance négative (et donc moindres recettes : -40,5 % pour l’impôt sur les sociétés, -9 % pour la TVA, -7,9 % pour l’impôt sur le revenu, -15,3 % pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et augmentation des dépenses se traduisent par une forte dégradation des comptes publics : déficit nominal 2020 de l’ordre de 9 % du PIB et endettement équivalent à 115 % du PIB. Le très faible niveau des taux d’intérêt masque le poids de la dette : en 2020, le niveau des charges d’intérêt sera le plus faible jamais atteint ! (36,1 Md€ contre 40,4 Md€ en 2019, ce PLFR annulant même 2 Md€ de crédits budgétaires pour ce poste) Il convient cependant d’être extrêmement vigilant car une remontée des taux se traduirait par une explosion de la charge de la dette.

Le ministre de l’Action et des comptes publics a d’ores et déjà annoncé un troisième budget rectificatif, avec des chiffres de déficit et de dette qui pourraient être supérieurs. Ce projet de loi doit mettre en place des dispositifs de soutien à l’égard des collectivités locales qui jouent un rôle majeur dans les domaines économiques, sociaux et sanitaires. Un plan de relance doit également être mis en oeuvre. Le Conseil européen du 23 avril a été l’occasion de dessiner les contours des dispositifs de soutien à l’échelle de l’Union. Lors d’une audition de la secrétaire d’Etat aux affaires européennes post Conseil, j’ai eu l’occasion de l’interroger sur l’articulation de ce plan avec la feuille de route de l’Union pour les prochaines années, à savoir une priorité pour la croissance verte (décision du Conseil européen du 12 décembre 2019 et plan d’investissement pour une Europe durable du 15 janvier).

Ce deuxième projet de loi de finances rectificative, adopté à l’issue de la commission paritaire le jeudi 23 avril, prévoit notamment : (1) la hausse des moyens des dispositifs d’urgence en faveur des salariés et des entreprises, avec 24 Md€ prévus pour l’activité partielle et 7 Md€ sur le fonds de solidarité pour les très petites entreprises ; (2) un montant de 20 Md€ de crédits pour le renforcement des participations financières de l’État dans les entreprises stratégiques en difficulté ; (3) un abondement du Fonds de développement économique et social (FDES), dont une enveloppe de prêts aux entreprises fragiles et en difficulté d’1 Md€  ; (4) un mécanisme de prêts participatifs adossés au  FDES pour les TPE et PME qui n’ont pas eu accès à un prêt bancaire garanti par l’État ; (5) une provision de 8 Md€ pour les dépenses exceptionnelles de santé pour faire face à l’épidémie, notamment les matériels et les masques, les mesures sur les indemnités journalières ou les rémunérations exceptionnelles pour le personnel soignant.

Par ailleurs, ce texte : (1) abaisse à 5,5 % le taux de TVA applicable aux tenues de protection (gants, sur-blouses, etc.) adaptées à la lutte contre l’épidémie ; (2) porte à 1 000 € le plafond de déduction à l’impôt sur le revenu des sommes versées aux associations de soutien aux plus démunis, notamment les banques alimentaires ; (3) exonère d’impôt sur le revenu à hauteur d’un plafond de 7 500 € les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires, effectuées depuis le 16 mars et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (le texte sorti de l’Assemblée nationale fixait un plafond de 5 000 € ; le Sénat avait lui souhaité une exonération de toutes les heures effectuées pendant la période).

Penser le monde d’après

Ce matin, la délégation à la prospective du Sénat recevait en visio-conférence David Djaïz. Le parcours académique de ce jeune économiste est impressionnant. A 29 ans, il est déjà l’auteur de deux livres : « la guerre civile n’aura pas lieu » (février 2017) et « slow démocratie » (octobre 2019). Dans cet ouvrage, David Djaïz tente de montrer ce que peut être l’action publique à l’heure de la mondialisation. Même si je ne partage pas ses idées politiques, j’ai trouvé que certains éléments de sa réflexion trouvent toute leur pertinence dans le contexte actuel.

L’analyse de David Djaïz repose sur le triangle de Rodrik qui dans lequel seuls deux des trois côtés peuvent coexister en même temps : hyper mondialisation ; souveraineté nationale ; vitalité démocratique. Singapour, nation souverainiste, tire profit de la mondialisation mais a fait le choix de mettre la démocratie en sourdine. Cette stratégie trouve plus facilement à s’appliquer dans les cités-états.

David Djaïz est persuadé du retour de la notion de nation. Pour sortir la crise actuelle, seules deux voies restent donc possibles : décélérer la démocratie (le libéralisme autoritaire) ou décélérer la mondialisation (ce qui ne veut pas dire fermer les frontières). La maîtrise de la mondialisation repose sur plusieurs actions : 1) la cartographie des actifs stratégiques (les médicaments, l’alimentation, l’énergie, la technologie, etc.) ; 2) la culture du risque ; 3) la révision des accords de commerce (introduire des écluses environnementales) ; 4) la revalorisation des emplois sédentaires (aide-soignant, commerçant, etc.) – la période de confinement que nous vivons actuellement a révélé leur caractère indispensable.

Les collectivités locales ont toute leur place pour accompagner la transition car elles ont la capacité de structurer des éco-systèmes locaux. David Djaïz déplore le manque d’investissement dans des synergies territoriales. Pour lui, collectivités fortes et état fort ne sont pas incompatibles dans une organisation économique repensée.

David Djaïz a donné une longue interview à Public Sénat dans la cadre de la série d’entretiens que conduit la chaîne sur la crise du Covid-19. Elle est accessible ICI.